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04 octobre 2024
Barthélemy de Lesseps
L'aventure extraordinaire d'un survivant à l'expédition La Pérouse
Il a 21 ans en 1787, quand le comte lui confie une mission de la plus haute importance : il est débarqué au port de Saint-Pierre et Saint-Paul pour ramener les dépêches et cahiers de découvertes de l'expédition jusqu'en France. À ce moment là, le voyage a déjà commencé depuis plus de deux ans. Ce fut une sage décision de la part du commandant, car les deux navires L'Astrolabe et La Boussole firent naufrage neuf mois plus tard.
Barthélemy de Lesseps parle russe, ce qui est approprié pour faire ce trajet retour de plusieurs milliers de kilomètres en traversant toute la Russie. Il a relaté son aventure dans un journal de bord : Journal historique du voyage de M. de Lesseps, employé dans l'expédition de M. le comte de La Pérouse, en qualité d'interprète du Roi, depuis l'instant où il a quitté les frégates françaises au port Saint-Pierre & Saint-Paul du Kamtschatka jusqu'à son arrivée en France le 17 octobre 1788.
C'est fascinant d'entrouvrir cette histoire hors du commun, j'ai sélectionné quelques extraits du début du livre.
Au moment d'être débarqué, p. 6.
Qui voudrait se rendre compte du vide affreux que j'éprouvai en ce moment, devrait commencer par se supposer à ma place, laissé seul sur ces bords presque inconnus, à quatre mille lieues de ma patrie; quand bien même je n'eusse pas calculé cette énorme distance, l'aspect aride de ces côtes me présageait assez ce que j'aurais à souffrir dans ma longue et périlleuse route.
Il est confié aux services du gouverneur d'Okhotsk, le colonel Kasloff-Ougrenin, pour le mener en bonne route. Le départ a lieu le 7 octobre 1787, le début se fait à cheval jusqu'à Bolcheretsk où le groupe est stoppé plusieurs mois par la météo hivernale, p. 146.
Les vents de sud et d'ouest ont presque toujours été accompagnés de neige et il ne s'est guère passé de semaines, et cela jusqu'en janvier, sans que nous n'ayons vu s'élever deux ou trois tempêtes violentes; elles nous venaient pour l'ordinaire du nord-ouest : ces coups de vents ne duraient pas moins qu'un ou deux jours et parfois sept ou huit. Il eut été alors de la dernière imprudence de nous hasarder à sortir; le ciel était couvert de toutes parts et la neige soulevée par ces tourbillons formait en l'air un brouillard épais qui ne permettait pas de voir à six pas.
Barthélemy de Lesseps utilise ce temps pour étudier la vie locale, à la manière d'un ethnologue, p. 131.
Le mets que les palais connaisseurs estiment davantage et qui m'a parru à moi le plus dégoûtant, c'est une espèce de saumon appelé tchaouitcha. Immédiatement après l'avoir pris, ils l'enterrent dans une fosse; ils l'oublient dans cet étrange garde-manger, jusqu'à ce qu'il ait eu le temps de s'y bien aigrir, ou, pour parler plus juste, de s'y pourrir complètement. Ce n'est qu'à ce point de corruption, qu'il acquiert la saveur qui flatte le plus la friandise de ces peuples. À mon avis, l'odeur infecte qui s'exhale de ce poisson, suffirait pour dégoûter l'homme le plus affamé et pourtant un Kamtchadal se délecte à manger toute crue cette chair putréfiée.
Ce n'est que fin janvier 1788 que le grand départ est donné, p. 150.
Ce départ fut réellement une chose à peindre; qu'on se représente en effet notre nombreuse caravane partagée en trente-cinq traîneaux, y compris ceux qui portaient nos équipages. Sur le premier était un sergent nommé Kabechoff, chargé de commander et de guider notre marche; il donne le signal et soudain tous ces traîneaux partent à la file; ils sont emportés par environ trois cents chiens dont l'ardeur égale la vitesse.
Cette introduction au voyage de Lesseps donne bien envie de lire la suite. Heureusement c'est très abordable grâce à Gallica BnF.
Voir l'ouvrage sur Gallica : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb308039...
Fichier joint (ko), cliquez pour agrandir :
carte du Kamtchatka
La péninsule du Kamtchatka n'est que le début du voyage de Lesseps.